Faciliter l’accès aux données satellitaires, mais continuer à travailler sur les questions difficiles

Vous êtes l’animateur du CES Réflectance de surface. Quand et comment vous vous êtes engagé dans Theia ?

Olivier Hagolle : J’ai participé à Theia dès sa création, en 2008, quand le projet s’appelait encore Pôle Thématique Surfaces Continentales (PTSC). Nous sommes alors partis d’un double constat : les utilisateurs perdaient beaucoup de temps à prétraiter leurs données, et les problèmes rencontrés étaient toujours les mêmes : ortho-rectification, étalonnage, détection des nuages, correction des effets atmosphériques et directionnels. Ma spécialité étant le prétraitement et la correction atmosphérique, je voyais clairement l’intérêt et la possibilité d’un service mutualisé de préparation des données. Le résultat, ce sont les chaînes de prétraitement qui tournent aujourd’hui sur le centre MUSCATE de Theia, grâce à l’aide du Cnes.

Au Cesbio, nous avons insisté pour faire de Theia une structure de production opérationnelle de produits de qualité à partir des acquisitions systématiques de Sentinel-2 qui se profilaient à l’horizon. Nous pressentions déjà la révolution que les données Copernicus allaient apporter à notre domaine, et celle-ci se confirme tous les jours.

Cette vision s’est diffusée chez tous les fournisseurs de données, et les produits « prêts à l’emploi » – Analysis Ready Data (ARD) – sont en train de devenir une norme. Vus les moyens dont disposent des acteurs comme l’ESA, il y a un risque que la qualité de leurs produits rattrape celle des nôtres, si nous ne continuons pas à progresser de notre côté.

Quelle est la plus belle réussite de Theia ? Quelles sont les difficultés rencontrées ?

Olivier Hagolle : Avant Theia, notre réseau d’utilisateurs se composait d’une poignée de laboratoires. Tirant le meilleur de Copernicus, Theia a suscité une dynamique française en faveur de l’observation de la terre : des services publics et privés innovants sont nés ; les communautés scientifiques et les spécialistes de l’aménagement du territoire se sont rencontrés. Nos produits aujourd’hui sont téléchargés par près de 1 500 utilisateurs, et seule la moitié d’entre eux est située en France.

Quotidiennement, je reçois deux à trois questions de la part d’utilisateurs. C’est très enrichissant, mais le temps nécessaire à l’accompagnement de la production – choisir les paramètres et les zones de traitement, répondre aux questions, faire la promotion des produits, rechercher les budgets pour poursuivre le travail – est pris sur mon temps de recherche. Il en va probablement de même chez les autres responsables de CES.

Ma passion est intacte et il ne s’agit pas de se plaindre, mais l’espoir et la motivation nés autour des CES et des ART risquent de retomber si les organismes fondateurs de Theia ne trouvent pas un moyen d’alimenter – par des postes, des budgets et des infrastructures de calcul – les efforts réalisés par quelques chercheurs dans les laboratoires. Et malheureusement, les budgets du Cnes consacrés à Theia, importants au départ, s’érodent chaque année. Heureusement pour le CES  Réflectance de surface, le CNRS/INSU a néanmoins créé un poste au Cesbio pour le support aux différents CES de Theia.

Quel est le principal défi pour l’avenir ?

Olivier Hagolle : Il y a quelques années, nous, les acteurs institutionnels du spatial et les laboratoires, étions presque les seuls à avoir un accès aisé aux données d’observation. Nous pouvions donc développer des produits très utiles et ne nécessitant que des efforts de recherche modérés. Il s’agissait avant tout de démontrer le potentiel de ces images et de réaliser de grandes premières (la carte d’occupation des sols de la France, dès 2015).
Le modèle libre et gratuit de Copernicus et la réussite de nos applications de démonstration ont favorisé l’apparition de nombreux acteurs privés, qui sont souvent plus efficaces et réactifs que nous pour le développement de produits simples nécessitant de gros moyens informatiques. Dans ce nouveau contexte, je pense que nous devons donc revenir aux fondamentaux : la recherche sur des questions difficiles, basée sur des modèles élaborés et une bonne validation sur le terrain.

Olivier Hagolle
CNES|CESBIO
ResearchGate
@O.Hagolle
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